lundi 14 avril 2008

"Bloggeurs, bloggeuses et autres fans de gastronomie, nous devons réagir..." Carlo Petrini pour Slow Food

Comme signalé précédemment, ce mercredi avait lieu à Bruxelles une conférence Slow Food sur le manger "Bon, propre et juste, Une éthique gastronomique au service de la souveraineté alimentaire" présentée par Carlo Petrini, président et fondateur du mouvement Slow Food.
C'est donc dans un des auditoires de l'université St Louis qu'il est venu encourager le tout jeune convivium belge et a défendu avec beaucoup de conviction, d'engagement et d'émotion, les valeurs du Slow Food.

A cette occasion, Karikol (le convivium bruxellois) avait rassemblé tous les conviviums de Belgique ainsi que quelques producteurs de notre petit pays. Etaient ainsi présents les conviviums de Silly, de Liège, de Gent, d'Anvers (Vlaanderen Convivum), de Leie, de Dijle et de Chenois ainsi que le chocolatier Au Manon d'Hor (Horrues), la Fromagerie du Gros Chêne (Méan) et 't Dischhof (Keiem),...


Pour le bon déroulement de la conférence, Carlo Petrini était accompagné de deux traducteurs. C'est donc en V.O (italien) que nous avons pu suivre cet évènement.

Déjà convaincue par l'importance des valeurs de ce mouvement depuis un certain temps maintenant, je le suis d'autant plus après cette conférence. Le respect des producteurs, l'environnement, l'éducation au goût, le plaisir du temps à table, les produits locaux... Mais pour faire bouger les choses nous devons toutes et tous agir dans ce sens et prendre nos responsabilités face à cette destruction de nos patrimoines gastronomiques. Si le réseau que constituent les blogs culinaires peut être un des points de départ, alors je vous invite tous bloggeurs, bloggeuses et autres passionnés de gastronomie à diffuser autour de vous les valeurs du Slow Food afin que demain, la gastronomie ne soit plus source de problèmes humains et environnementaux et redevienne le plaisir du goût!

Voici pour ceux que cela intéresse un petit compte rendu de la conférence.

"L'environnement est LE gros problème du 21e siècle". Carlo Petrini a entamé son discours en disant que "le manque d'eau sera [d'ailleurs] la cause de la prochaine guerre mondiale"! Cette problématique naturelle est, en effet, véritablement au coeur de tous les débats.

Présent pour parler "de gastronomie", Carlo Petrini a rapidement fait le lien entre alimentation et environnement: "la production de nourriture aujourd'hui est la première cause de déterioration de l'environnement. (Et dans une autre vision, elle est également à la base de nombreuses maladies: cardiovasculaire, obésité,...)" Il a alors donné l'exemple des crevettes, expliquant que l'augmentation de la culture de celles-ci a détruit tout un biotope et ce dans un seul but économique. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi aujourd'hui on trouve des crevettes partout dans les supermarchés, à chaque saison de l'année. Il en va de même pour les Perches du Nil. L'augmentation de production de ce poisson a, à la fois détruit un biotope, mais aussi tout un système économique local!
De nos jours, on n'a jamais parlé autant de nourriture et de gastronomie mais "on parle, on parle, on parle et on mange n'importe quoi. Des recettes, des recettes, des recettes, toujours plus de recettes qui n'ont plus rien à voir avec ce que la gastronomie est à l'origine". Carlo Petrini parle de "pornographie alimentaire". La gastronomie est une science qui regroupe de multiples disciplines et il ne faut pas la réduire aux seules recettes, à son aspect ludique. "Les photos de plats que l'on trouve dans les magazine ressemblent de plus en plus à des cadavres".

Carlo Petrini est alors revenu brièvement sur l'histoire de la gastronomie. "La gastronomie est née en France avec Savarin au 19e siècle". Ce dernier la définissait par "tout ce qui regarde l'homme quand il mange". Elle est une conception complexe et multidisciplinaire qui regroupe à la fois l'économie, la politique, l'anthropologie, la génétique,...et aujourd'hui encore plus qu'avant, l'écologie! Le Slow Food a dans ce cadre, pour objectif de reconstruire un lien entre l'homme et la nature. Carlo Petrini relève ici deux problématiques nouvelles:

Premièrement,"aujourd'hui, on produit des denrées alimentaires (le maïs) pour l'énergie, le carburant. (...) Les Etats-Unis ont, dans ce contexte, envahi le Mexique dans le but d'augmenter leur culture de maïs, détruisant par là même les cultures locales et le système économique du Mexique (...). Nous [européens et américains] imposons notre système économique capitaliste dans le monde entier en pensant qu'il est sans doute le meilleur". Mais quelle erreur!

Le deuxième problème provient du fait du changement des habitudes alimentaires en Asie. En effet, les asiatique, auparavant faibles mangeurs de viande augmentent aujourd'hui significativement leur consommation carnivore. Or aujourd'hui 65´% de la culture mondiale de graines sert à l'alimentation des bestiaux (et donc aux denrées alimentaires carnées). Qu'en sera-t-il alors dans 10 ans si les asiatiques continuent d'augmenter leur consommation de viande?
"Nous devons donc absolument améliorer notre responsabilité alimentaire". Dans ce sens, Slow Food a créé en 2004 une Université pour les Sciences Gastronomiques implantée en Italie dont le but est "de coordonner par l’élément qualitatif de la gastronomie les diverses connaissances et les nombreuses activités liées à l’alimentation".

"La politique de l'alimentation va devenir un sujet de plus en plus important dans la politique mondiale". Terra Madre, cet évènement bisannuel Slow Food par excellence et qui se déroulera cette année en octobre, est l'occasion de rassembler et de confronter dans un même lieu tous les producteurs et acteurs du secteur agro-alimentaire afin de parler "d'une dignité des paysans, d'une biodiversité, contre l'OGM, de la propriété des graines, des semences..."

"Nous devons réagir et faire un grand mouvement de résistance!". Carlo Petrini parle ici du consommateur, le définissant plutôt comme étant "co-producteur, devant avoir un rôle actif et engagé."

Autre valeur importante du Slow Food, il s'agit de l'éducation au goût. "Il faut éduquer nos enfants. (...) car aujourd'hui il n'y a malheureusement plus de transfert générationnel de type père-fils". On ne transmet plus aux enfants les valeurs de la nourriture". Carlo Petrini a alors donné le triste exemple d'enfants auxquels on faisait sentir l'odeur d'une pomme et qui ont répondu spontanément que "ça sent le shampooing"!

"La nourriture a perdu de sa valeur. (...) alors qu'avant elle était sacrée. Aujourd'hui nous ne la respectons plus". On augmente considérablement la quantité de déchets car on jette en effet de plus en plus, d'une part la nourriture mais aussi d'autre part tout ce qui concerne le packaging, l'emballage. Ces derniers étant imposés notamment par les nombreuses normes d'hygiène de plus en plus excessives. Cette arrogance contribue, du fait de sa démesure grandissante, à la destruction des artisans dont les moyens ne permettent pas de répondre à ces nombreuses exigences.
"Nous devons créer un réseau de solidarité producteur et co-producteur. (...) Manger est le premier acte agricole. Si je mange d'une certaine façon, je contribue à une certaine agriculture. (..) Il faut absolument réduire la filière! Les consommateurs payent beaucoup et les producteurs gagnent peu et au milieu se trouve la grande distribution. (...) Nous devons aller chez les petits producteurs". Evidemment, c'est là qu'interviennent les réactions antagonistes. Deux grandes conceptions:

- Premièrement, le Slow Food serait-il élitiste? A cela le président du Slow Food répond, "il faut payer le JUSTE prix, ni trop, ni trop peu. Mais c'est un choix de vie évidemment". Il illustre son propos en expliquant qu'en 1970 (il n'y a donc pas si longtemps) un ménage moyen dépensait 32% de son revenu dans l'alimentation. Aujourd'hui il n'en dépense plus que 14%! "Et si ce chiffre diminue encore, on ne mangera bientôt plus de bonnes choses". Or actuellement, 12% de nos revenus sont destinés aux dépenses en GSM! "Où est la situation élitaire??". Et pour arriver à augmenter à nouveau la partie de revenu versée dans l'alimentation il faut "réduire la filière".

- Deuxième réaction, "on n'a plus le temps pour se faire à manger et acheter les bonnes choses". A nouveau Carlo Petrini parle de "choix de vie. Nos grands parents travaillaient 12, 13h par jour mais ça ne les empêchait pas de se faire à manger." Le Slow Food signifie donc lent d'un point de vue de la nourriture mais aussi d'un point de vue du rythme de vie.
"Le goût est le plaisir qui connaît. Il est l'équilibre entre le plaisir et le savoir".
Carlo Petrini terminera en nous donnant un conseil gastronomique, "l'essence sensorielle est la base du goût"...

"Il faut relocaliser la nourriture. Favoriser une économie locale et une production locale".

Qu'on se le dise...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir, je crois bien que la Finlande pourrait être dans la mouvance "slow food".
En effet bien que leur gastronomie ne soit pas ce qu'il y a de plus remarquable dans ce beau pays, les finlandais utilisent des produits sains et défendent bêtes et ongles leur forêts où ils trouvent des trésors encore préservés de toutes pollution et pratique une cueillette locale et respectueuse.
Je vous invite à découvrir cet univers sur le site 100pour100finlande.fr et à participer au concours de recettes destinés à tous les blogueurs !

Marie-Claire a dit…

ah lala. je suis d'accord à 200 pour cent !

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